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Lahcen Isaac Hammouch « L’Algérie envoie des signaux à la France : vers un dégel prudent, sous le regard attentif du Maroc »

Les mots employés par Nicolas Lerner, directeur de la DGSE, sur France Inter, ont fait l’effet d’un frémissement diplomatique. Quand le patron du renseignement extérieur français déclare que « des signaux » viennent d’Algérie, laissant entrevoir une « volonté de reprise du dialogue », cela signifie que quelque chose bouge, après des mois de silence tendu. Lerner a insisté : « La France y est prête, elle l’a toujours été », tout en posant une condition claire — la libération des deux ressortissants français toujours détenus en Algérie. Derrière la sobriété de cette déclaration se dessine une réalité politique : Alger cherche une ouverture, et Paris reste vigilante.

Depuis plusieurs semaines, des messages discrets circulent entre les deux capitales, parfois via des intermédiaires du Golfe ou du Sahel. Le régime algérien, affaibli sur le plan interne et isolé sur le plan régional, tente de desserrer l’étau. Le président Abdelmadjid Tebboune, contesté par une partie de l’armée et par une jeunesse exaspérée, sait qu’il ne peut durablement gouverner en rupture avec la France, partenaire économique et historique majeur. Mais ce regain de « bonne volonté » semble davantage dicté par la nécessité que par la conviction. L’Algérie est fragilisée : ses alliances avec Moscou et Pékin n’ont pas produit les retombées espérées, son influence en Afrique s’est réduite, et sa diplomatie peine à exister au-delà du dossier du Sahara. Dans ce contexte, le pouvoir tente de rehausser son image en multipliant les gestes symboliques à destination de Paris.

Côté français, on écoute, sans se précipiter. La rupture de 2024 a laissé des traces profondes : suspension de la coopération sécuritaire, fermetures consulaires, campagnes médiatiques anti-françaises pilotées depuis Alger. Emmanuel Macron ne peut pas ignorer la nécessité de rétablir des liens fonctionnels, notamment pour la gestion des flux migratoires et la sécurité au Sahel, mais il ne veut plus renouer sans conditions claires. Les propos de Lerner reflètent cette ligne de prudence : Paris reste ouverte, mais n’oublie rien.

Rabat, de son côté, observe ces mouvements avec calme et assurance. Le Maroc a aujourd’hui la légitimité diplomatique et la stabilité politique qu’il n’avait pas toujours dans le passé. La récente résolution 2762 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée en octobre 2025, a consacré une fois encore le plan d’autonomie marocain comme la seule base « sérieuse, crédible et réaliste » pour une solution durable au Sahara marocain. Ce soutien renouvelé de la communauté internationale, y compris de plusieurs membres influents du Conseil, renforce considérablement la position de Rabat. Le débat sur la souveraineté du Maroc dans ses provinces du Sud n’est plus qu’un reliquat idéologique entretenu par Alger, sans portée réelle.

Pour le Maroc, un éventuel réchauffement entre la France et l’Algérie n’a rien d’inquiétant. Le Royaume n’a plus besoin de se battre pour exister diplomatiquement : il s’impose désormais comme un partenaire majeur en Afrique, un acteur stratégique entre l’Europe et le Sahel, et un modèle de stabilité. Rabat continuera à dialoguer avec Paris dans un cadre clair : le respect de sa souveraineté sur le Sahara marocain et la reconnaissance du plan d’autonomie comme base unique de toute solution politique. Si la France devait tenter un « rééquilibrage » entre Alger et Rabat, elle risquerait surtout de se priver d’un allié fiable, constant et respecté.

L’annonce de Nicolas Lerner ne marque donc pas un tournant, mais une inflexion prudente. L’Algérie cherche à rompre son isolement, la France à sécuriser ses intérêts, et le Maroc, fort du soutien onusien et de sa crédibilité régionale, avance sereinement. Dans le silence des chancelleries, chacun mesure ses pas. Mais une chose est certaine : dans le Maghreb de 2025, c’est désormais le Maroc qui donne le tempo.

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