La Commission européenne a dévoilé ce mardi un plan choc pour accélérer le renvoi des sans-papiers présents sur son territoire. L’idée ? Externaliser une partie des expulsions vers des centres de retour installés dans des pays tiers, en dehors de l’Union européenne (UE). Une proposition qui complète le controversé Pacte migratoire de 2024, mais qui déclenche déjà une avalanche de critiques, accusant Bruxelles de brader ses valeurs au profit d’une logique sécuritaire.
Le constat : des expulsions inefficaces
Aujourd’hui, seulement 1 sans-papiers sur 5 quitte effectivement l’UE après avoir reçu un ordre d’expulsion. Un échec que la Commission attribue à la lourdeur des procédures et aux disparités entre États membres. Le Pacte migratoire, entériné en 2024 et pleinement applicable en 2026, devait résoudre ce problème. Mais sans mécanisme coercitif pour les retours, les résultats restent insuffisants.
La solution de Bruxelles : expulser « hors les murs »
Pour inverser la tendance, la Commission propose deux mesures phares. D’abord, harmoniser les règles d’expulsion dans les 27 pays de l’UE, avec des délais raccourcis pour les recours et un fichier centralisé des décisions. Ensuite, externaliser une partie du processus vers des centres de retour implantés dans des États partenaires non européens. Ces structures, gérées avec l’aide de pays tiers, auraient pour mission d’identifier les sans-papiers, d’organiser leur rapatriement vers leur pays d’origine, et de superviser les procédures administratives.
« L’objectif est de rendre les retours plus rapides et moins coûteux », justifie un haut fonctionnaire européen. Bruxelles évoque aussi la nécessité de limiter les « départs volontaires », souvent non contrôlés.
Polémique : l’UE accusée de « délocaliser l’inhumain »
La proposition fait l’effet d’une bombe. Les ONG dénoncent une « sous-traitance des expulsions à des régimes douteux », risquant de piétiner les droits fondamentaux. « Ces centres externalisés deviendront des angles morts juridiques, où les violences et les expulsions arbitraires seront invisibles », s’indigne Laura Mendez, de Amnesty International. À gauche, des élus européens dénoncent une « victoire de l’extrême droite », rappelant que Marine Le Pen en France ou le parti AfD en Allemagne réclament depuis des années des expulsions massives.
Les inquiétudes portent aussi sur le choix des pays partenaires. La Tunisie, déjà engagée dans un accord controversé avec l’Italie, ou la Turquie, critiquée pour sa gestion autoritaire des migrants, pourraient être sollicitées. « Comment garantir le respect des droits dans des pays où la démocratie recule ? », interroge un diplomate scandinave.
Bruxelles se justifie : « Pas d’expulsions sans garanties »
La Commission tente de calmer les esprits en invoquant les sauvegardes juridiques du Pacte migratoire : interdiction des renvois collectifs, accès à un avocat et surveillance par des observateurs indépendants. « Aucun retour ne se fera sans le respect strict des procédures », assure Ylva Johansson, commissaire aux Affaires intérieures.
Pourtant, les zones d’ombre persistent. Aucun budget précis ni liste de pays partenaires n’a été communiquée. Et le rôle des entreprises privées dans la gestion de ces centres – une pratique courante dans d’autres pays – n’est pas évoqué.
L’heure des choix pour les États membres
Le texte doit maintenant être approuvé par les États membres et le Parlement européen. Si la France et l’Allemagne soutiennent une politique de renvois plus ferme, des pays comme l’Irlande ou la Belgique expriment des réserves, craignant un enlisement juridique et des crises diplomatiques.
Alors que les tensions migratoires nourrissent la montée des populismes en Europe, ce projet illustre le dilemme de l’UE : comment concilier contrôle des frontières et protection des droits humains ? La réponse, attendue d’ici 2026, pourrait redéfinir durablement le visage de la politique migratoire européenne.