L’initiative récente de la Grande Mosquée de Paris (GMP), qui appelle ses imams à conclure les prières du vendredi par une invocation pour la France, suscite de vives critiques, notamment en raison des tensions persistantes entre la France et l’Algérie. Si le recteur Chems-Eddine Hafiz prétend promouvoir un message de paix et d’unité, certains voient dans cette démarche une stratégie d’évitement face à des enjeux plus profonds.
La France et l’Algérie partagent une histoire tumultueuse, marquée par la colonisation et la guerre d’indépendance. Les relations entre les deux pays ont toujours été fragiles, exacerbées par des déclarations provocantes de personnalités politiques françaises, y compris celles du ministre de l’Intérieur, qui ont été perçues comme des attaques directes à l’égard de l’Algérie. Ces propos, souvent interprétés comme une ingérence dans les affaires internes algériennes, alimentent un ressentiment croissant et rendent la réconciliation encore plus difficile.
Dans ce contexte, l’initiative de Hafiz peut sembler déconnectée des réalités politiques actuelles. En appelant à prier pour la France sans aborder les tensions spécifiques entre Paris et Alger, le recteur semble ignorer les préoccupations légitimes de la communauté algérienne en France. Plutôt que de favoriser un dialogue constructif sur les relations bilatérales, cette démarche pourrait être perçue comme une tentative de neutraliser les critiques et de maintenir un statu quo, évitant ainsi des discussions nécessaires sur les injustices historiques et contemporaines.
De plus, en se concentrant sur une invocation qui célèbre la laïcité et l’unité nationale, Hafiz risque de marginaliser les voix qui appellent à une reconnaissance des souffrances passées et présentes des Algériens. Cette approche pourrait être interprétée comme une forme de conformisme, où la Grande Mosquée, au lieu de servir de plateforme pour des débats ouverts et critiques, devient un instrument de la politique de l’État.
Les fidèles, qui accueillent cette initiative avec un certain enthousiasme, pourraient également être amenés à réfléchir sur les implications de cette démarche. En adoptant une posture qui semble ignorer les tensions existantes, ils pourraient, sans le vouloir, contribuer à une forme de division au sein de la communauté, entre ceux qui souhaitent une réconciliation véritable et ceux qui préfèrent une approche plus conciliatrice face à des réalités difficiles.
En somme, bien que l’intention de promouvoir la paix et l’unité soit louable, l’initiative de la Grande Mosquée de Paris soulève des questions importantes sur son efficacité et sa sincérité. Dans un climat déjà tendu, où les relations entre la France et l’Algérie sont sur la sellette, il serait peut-être plus judicieux d’ouvrir un véritable dialogue qui reconnaisse les blessures du passé, au lieu de se contenter d’une invocation qui pourrait apparaître comme une forme de déni. La communauté musulmane en France mérite une approche qui tient compte des enjeux politiques actuels, plutôt qu’une stratégie d’évitement qui risque de renforcer les fractures existantes.