Le 28 novembre, cela fera un an qu’une équipe SWAT d’environ 175 policiers portant des masques noirs, des casques et des gilets pare-balles, est descendue simultanément à 6 heures du matin sur huit maisons et appartements distincts dans et autour de Paris mais aussi à Nice où le yoga roumain Les pratiquants avaient décidé de partir en retraite spirituelle. Les forces de l’ordre brandissaient alors des fusils semi-automatiques, criaient, faisaient du bruit très fort, fracassaient les portes et mettaient tout sens dessus dessous.
Les raids de novembre 2023 ne constituaient pas une opération contre un terroriste, un groupe armé ou un cartel de la drogue. Il s’agissait de perquisitions visant huit lieux privés principalement utilisés par de pacifiques pratiquants de yoga roumains, mais la police soupçonnait ces lieux d’être utilisés pour des activités illégales : trafic d’êtres humains, exploitation sexuelle et séquestration.
En effet, la plupart des pratiquants du yoga avaient choisi d’allier l’agréable à l’utile en France : yoga et méditation dans des villas ou appartements mis gentiment et gratuitement à leur disposition par leurs propriétaires ou locataires qui étaient aussi majoritairement des pratiquants de yoga d’origine roumaine et à tout en profitant d’environnements naturels ou autres pittoresques.
Il s’agissait d’informaticiens, d’ingénieurs, de designers, d’artistes, de médecins, de psychologues, d’enseignants, d’étudiants universitaires et lycéens, etc.
Sur l’absence de victimes et les questions soulevées par le mandat de perquisition
L’objectif du raid n’était pas seulement d’arrêter les criminels mais aussi de sauver les victimes ou les survivants de ces activités présumées illégales. Le « problème » est que les pratiquants de yoga interrogés par la police ont nié catégoriquement avoir été victimes de quoi que ce soit durant leur séjour et n’ont donc déposé aucune plainte contre leurs hôtes.
Un an plus tard, on ne sait toujours pas officiellement et publiquement quels acteurs et quels éléments de l’enquête préliminaire ont convaincu un procureur de lancer des perquisitions d’une telle ampleur.
Les forces de l’ordre venaient d’apprendre que l’opération reposait sur un recherche mandat destiné à arrêter les criminels impliqués dans « la traite des êtres humains », la « séquestration » et « l’abus de vulnérabilité » en bande organisée.
Il convient de noter que la formulation du mandat a façonné l’esprit des interrogateurs sur les lieux de perquisition et dans les commissariats de police ainsi que des avocats engagés pour l’assistance juridique et des interprètes dans leur interaction avec les personnes arrêtées, une cinquantaine. le témoignages de nombreux pratiquants de yoga placés en garde à vue recueillis par Droits Humains Sans Frontières. Aux yeux de tous ces acteurs, il s’agissait d’une affaire très grave et parmi eux il pouvait y avoir des trafiquants d’êtres humains, des agresseurs sexuels et des manipulateurs d’esprit.
En novembre 2023, six personnes ont été arrêtées et placées en détention provisoire. Parmi eux Gregorian Bivolaru, le maître spirituel du MISA (Mouvement pour l’intégration spirituelle dans l’Absolu), un mouvement de yoga ésotérique qu’il a fondé en 1990 en Roumanie et qui comptait 30 000 pratiquants dans le monde avant le COVID. Il a fait l’objet d’un mandat d’arrêt d’Interpol car six anciens étudiants mécontents du MISA ont porté plainte contre lui il y a de nombreuses années pour traite des êtres humains, abus sexuels et séquestration mais à fin 2024, il n’y a eu aucun procès et donc aucun confirmation de ces accusations.
Les autres détenus étaient les propriétaires ou les locataires des lieux perquisitionnés qui ont fait l’objet d’une enquête sur leur éventuelle implication dans les activités criminelles mentionnées dans le mandat d’arrêt français.
L’arrestation de Mihai et Adina Stoian en Géorgie
Le 22 août 2024, Mihai et Adina Stoianconnus comme professeurs et formateurs de yoga ésotérique, ont été arrêtés alors qu’ils entraient en Géorgie, dans le cadre d’un voyage touristique, en passant par la frontière avec la Turquie à Sarpi.
Médias géorgiens a indiqué que les Stoiens ont été arrêtés sur la base d’un mandat d’arrêt d’Interpol et sont recherchés par les autorités judiciaires françaises. Par ailleurs, la presse géorgienne affirme qu’ils ont également été poursuivis « en Finlande et en Roumanie pour prostitution d’enfants et viol ». Cette dernière information est pourtant fausse.
À notre connaissance, les Stoiens ne font l’objet d’aucune poursuite en Finlande ou en Roumanie. Ce n’est que lorsqu’ils ont été arrêtés en Géorgie qu’ils ont été informés d’un mandat d’arrêt international et d’un mandat d’extradition émis par le tribunal de Paris, en France.
Selon certains médias français, Mihai et Adina Stoian seraient proches de Gregorian Bivolaru depuis de nombreuses années et dirigeraient le mouvement en son absence.
Mihai et Adina Stoian nient avoir été impliqués dans l’administration du mouvement MISA. Cependant, ils entretenaient des relations de travail avec d’autres mouvements de yoga, comme la Fédération ATMAN et NATHA.
ATMAN, la Fédération Internationale de Yoga et de Méditation, a été créée le 7 décembre 2004 par des professeurs et formateurs de yoga de divers mouvements de yoga et enregistrée au Royaume-Uni, où elle se trouve toujours. En 2006, Mihai et Adina Stoian rejoignent ATMAN et forment bénévolement d’autres professeurs de yoga. En tant qu’enseignants seniors, ils ont commencé à unifier le programme et la méthodologie d’enseignement. À un moment donné, MISA est devenue membre d’ATMAN et par conséquent, les Stoiens affirment que leur relation avec MISA n’était qu’indirecte. Le 27 octobre 2016, Mihai Stoian devient l’un des trois administrateurs d’ATMAN. Adina a continué à former des professeurs de yoga et n’a jamais été membre du conseil d’administration.
Alors que les Stoiens sont en prison en Géorgie, une douzaine de policiers au Danemark accompagnés d’un représentant du procureur français ont fouillé les espaces communs de l’association NATHA Yoga au Danemark où les Stoiens travaillaient à temps partiel. Personne n’a été arrêté ou interrogé lors de la perquisition. La police vient de confisquer quelques appareils électroniques.
Quelques conclusions
Le mandat d’arrêt français ayant conduit aux perquisitions en France en novembre 2023 et le mandat d’arrêt international mis en œuvre en Géorgie, tels qu’ils ont été rédigés, ont créé des préjugés et façonné l’esprit de tous les acteurs impliqués dans l’enquête qui n’ont visiblement pas considéré les accusations comme rien de plus. que les allégations.
En outre, de nombreux journalistes et médias ont perçu à tort les accusations comme des faits concrets, omettant bien souvent de mentionner l’absence de victimes et la présomption d’innocence des suspects, alors que l’affaire est toujours en cours d’instruction et que nous sommes encore loin d’une décision de justice.
Enfin et surtout, il convient de noter qu’un nombre important de pratiquants et de pratiquants de yoga roumains détenus après les perquisitions en France ont hébergé des plaintes contre les autorités françaises pour non-respect de la législation pendant leur détention.
Plus de lecture
MISA : Explorations spirituelles et expériences dans la pratique du yoga ésotérique
(Le Journal de CESNUR2 novembre 2024)
Par Raffaella Di Marzio, Centre d’études sur la liberté de Religion Croyance et Conscience (LIREC)
Publié à l’origine dans The European Times.