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Discours à l’occasion de la réouverture de la synagogue principale d’Anvers et de la commémoration de la Nuit de cristal anversoise

Chers représentants des gouvernements fédéral et flamand,
Monsieur le bourgmestre d’Anvers,
Chers représentants de la communauté juive,
Mesdames et Messieurs,

Nous sommes réunis aujourd’hui pour une cérémonie qui revêt une signification particulière pour la communauté juive de notre pays et plus particulièrement celle d’Anvers.

La grande Shul « Osten » n’est pas seulement un monument historique, c’est aussi une synagogue, un lieu de rencontre auquel la communauté juive d’Anvers insuffle vie et dynamisme. La synagogue existe depuis plus d’un siècle et peut aborder les cent prochaines années avec sérénité grâce à cette incroyable rénovation. Le style sobre et intemporel du bâtiment reflète parfaitement les traditions et les coutumes juives ancestrales.

C’est donc un grand honneur pour moi de pouvoir partager cette réouverture avec vous et de pouvoir assister à ce moment de joie et de fierté pour la plus grande synagogue de Belgique.

L’un d’entre vous (Ari, sans vouloir le citer), m’a raconté l’histoire d’un enseignant de Denver, dans le Colorado, et je souhaite la partager avec vous, car elle a un écho particulier aujourd’hui. C’est l’histoire d’un certain monsieur Israël, né au début du 20e siècle à Khoust, une ville de l’ouest de l’Ukraine, à la frontière de la Pologne et de la Roumanie. Âgé de 15 ans, Israël a vu l’impitoyable Wehrmacht débarquer dans sa ville. Les nazis y ont ensuite établi un ghetto et ont commencé à déporter tous les habitants juifs vers Auschwitz.

Quelques jours avant sa propre déportation, Israël a rassemblé un certain nombre d’objets personnels. Des biens qui lui étaient chers, dont une coupe sacrée en argent que son père utilisait chaque shabbat. Il a alors creusé un trou profond dans le jardin de sa grand-mère et y a caché cette coupe. Quatre jours plus tard, sa famille a été déportée et la plupart de ses proches ont trouvé une mort atroce à Auschwitz. Par miracle, Israël a réussi à survivre au camp de la mort. De retour à Khoust, il s’est immédiatement mis à creuser. Quelle ne fut pas sa joie lorsqu’il retrouva sa coupe. Peu après, Israël – comme tant d’autres Juifs européens – a traversé l’Atlantique pour y commencer une nouvelle vie. Il emporta avec lui les précieux biens de sa famille, y compris, bien sûr, la coupe en argent qu’il avait dû restaurer, les nombreux passages dans le jardin de sa grand-mère pendant son séjour à Auschwitz l’ayant endommagée.

Une fois la coupe restaurée, il l’a réutilisée pour toutes les occasions importantes et heureuses de sa vie familiale : mariages, fêtes, cérémonies. Pour reprendre les mots d’Israël, « cette coupe symbolise le peuple juif. Elle a été enterrée, piétinée et considérée comme perdue tout comme les Juifs, tout au long de l’histoire, ont été chassés de tant de pays, déportés, traqués et persécutés, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien d’eux. Mais la coupe est toujours là, comme le peuple juif : plus fort que jamais !

« Plus fort que jamais ». Des mots qui prennent également tout leur sens aujourd’hui. Comme M. le président l’a déjà mentionné, la communauté juive d’Anvers s’est réunie pour la première fois en ces lieux il y a 105 ans. Une grande cérémonie avait aussi été organisée pour célébrer l’ouverture.

La « Shul » est le cœur battant de la religion et de la culture juives.

Nous partageons la même joie aujourd’hui que celle de nos prédécesseurs lors de son ouverture en 1918. Un lien ininterrompu grâce à tous les merveilleux moments de prière et de rencontre que les lieux ont abrités au cours des 105 dernières années.

Mais hélas, tout comme à Khoust, de sombres nuages ont envahi le ciel d’Anvers en 1941. Peu après le début de l’occupation allemande, des groupes flamands antisémites, encouragés par la propagande nazie, se sont livrés à un effroyable pogrom sur le lieu saint qui nous accueille aujourd’hui. Au cours de cette violente attaque contre la Shul « Osten », des livres de prières juifs ont été brûlés et tout le contenu de la synagogue a été détruit. Malheureusement, cette Nuit de cristal anversoise n’a pas marqué la fin, mais bien le début de la violence antisémite à Anvers. Après le pogrom a commencé une persécution massive des Juifs, qui a atteint son apogée à Anvers lorsque les occupants nazis ont commencé les tristement célèbres déportations vers les différents camps de concentration et d’extermination. Des dizaines de milliers de Juifs belges ont été lâchement trahis puis assassinés. Il s’agit non seulement de la page la plus sombre de l’histoire juive, mais aussi de l’histoire belge. L’horreur de la Shoah reste gravée dans notre mémoire collective et nous nous devons de ne jamais l’oublier.

L’histoire de notre pays a été marquée par celle de ces personnes, qui nous rappellent que la force de la Belgique réside dans sa diversité. Que nous vivons dans un pays de citoyens libres, où la différence n’est pas un problème mais une richesse. Que la liberté d’opinion et la liberté de culte sont des pierres angulaires de notre société. Que nous vivons dans un pays où nous chacun peut être soi-même, mais où nous dialoguons et tissons des liens.

Si l’histoire juive est malheureusement jalonnée de persécutions et d’événements tragiques, c’est précisément la résilience et la force quasi inépuisable de ce même peuple qui lui ont permis de se relever encore et encore. Après la Seconde Guerre mondiale, il n’en a pas été autrement. Comme l’a fait remarquer Mark Twain : tout au long de l’histoire, de nombreux grands empires ont tenté d’asservir le peuple juif – les Égyptiens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs. Mais trois millénaires plus tard, le peuple juif est plus fort que jamais. Rempli d’énergie.

Cette résilience inégalée est également visible et tangible ici à Anvers. Après 1945, la communauté juive s’est relevée petit à petit. De nombreux bâtiments, dont la Shul « Osten », et institutions juives ont été reconstruits à partir de rien. Lentement mais sûrement, la communauté juive a repris vie. Les Juifs ont pu reprendre leur place dans la ville. La voix de la prière s’est à nouveau fait entendre. Le 5 octobre 1944, un mois à peine après la libération de la ville d’Anvers, une école juive a rouvert ses portes. Nulle part en Europe l’initiative de restaurer la vie juive n’a été aussi rapide qu’ici, en Belgique.

Contrairement à de nombreux autres endroits en Europe où la violence nazie a anéanti le judaïsme à jamais, les Juifs sont revenus parmi nous, une chance pour la Belgique. Ils ont reconstruit leur vie et leur communauté ici. Dans les rues où ils vivaient avant la guerre. La communauté juive d’Anvers est ainsi devenue l’une des plus importantes d’Europe.

Mesdames et Messieurs,  

C’est un demi-miracle que 82 ans après l’effroyable pogrom de 1941, nous soyons à nouveau réunis ici pour bénir cette Shul. Cette reconsécration marque la victoire symbolique de la lumière sur les ténèbres. Du bien de l’humanité sur le mal.

Et même si ne pas oublier le passé reste essentiel, il nous faut aussi nous tourner vers l’avenir. Les Juifs ont toujours été connus comme des citoyens pacifiques qui ont énormément contribué à notre société, dans les domaines de la philosophie, des sciences, des arts et du débat public. Non seulement en Belgique, mais aussi bien au-delà de nos frontières, des scientifiques, des écrivains, des médecins et des philanthropes de renom ont étudié dans l’une des nombreuses institutions juives d’Anvers.

L’histoire de notre pays a été marquée par celle de ces personnes, qui nous rappellent que la force de la Belgique réside dans sa diversité. Que nous sommes vivons dans un pays de citoyens libres, où la différence n’est pas un problème mais une richesse. Que la liberté d’opinion et la liberté de culte sont des pierres angulaires de notre société. Que nous vivons dans un pays où nous chacun peut être soi-même, mais où nous dialoguons et tissons des liens.

Cette Shul magnifiquement rénovée servira également de lieu de rencontre pour les Juifs orthodoxes d’Anvers dans les années à venir. En tant que Premier ministre, je suis donc particulièrement fier de constater avec vous que la Belgique restera une terre d’accueil chaleureuse pour notre communauté juive, qui fait partie intégrante de notre société belge, tant sur le plan religieux que culturel.

Mesdames et Messieurs,

Nous devons chaque jour donner le meilleur de nous-mêmes pour lutter contre l’intolérance et l’antisémitisme. Nous en sommes capables, comme nous l’avons prouvé à maintes reprises au cours de notre histoire. Pendant l’Inquisition espagnole, plusieurs villes du Brabant et de Flandre ont ouvert leurs portes aux Juifs en fuite. En 1939, le paquebot allemand Saint-Louis a accosté dans le port d’Anvers avec 900 réfugiés juifs à son bord. Après la Seconde Guerre mondiale, la Belgique a ouvert ses portes aux citoyens juifs de toute l’Europe. Je suis particulièrement fier de constater que notre pays, et en particulier la ville d’Anvers, fait tout ce qui est en son pouvoir pour être, aujourd’hui encore, un havre de paix pour ses citoyens juifs. La communauté juive fait partie intégrante de notre société, où Belges et Juifs ont veillé ensemble, sur la base d’un profond respect mutuel, à ce que la communauté juive puisse pratiquer sa foi ici, dans cette magnifique synagogue.

Je tiens donc à féliciter chaleureusement la communauté juive pour cette réouverture festive et lui souhaite beaucoup de succès dans ses futures initiatives.

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