Ce n’est pas tous les jours qu’un parti est fondé par des gens avec un certain passé. Et on parle ici d’Olivier Maingain, quelqu’un qui a pesé pendant de longues années sur la politique belge, au niveau fédéral, au niveau régional.
J’étais à la conférence de presse de présentation hier après-midi, avec pas mal de curiosité. Olivier Maingain n’est pas un rigolo. Il n’est pas là pour amuser la galerie. Il est à un moment de sa carrière où franchement, il pouvait très simplement rester dans sa commune, et observer de loin ses anciens adversaires ou ex-coreligionnaires lutter pour le titre du plus médiocre.
Mais non, il a décidé de se lancer dans un nouveau, voire un dernier défi, sans mauvais jeu de morts. Avec un nouveau parti et sa charte extrêmement sévère à l’égard du monde politique belge francophone actuel, et de la polarisation idéologique.
Le positionnement de Libres
Comment se positionne ce nouveau parti, Libres ? Libres est « contre tous les conservatismes », Libres se veut clairement « progressiste ». Ce positionnement met donc Libres en concurrence avec pas mal de monde : le PS, Ecolo, le PTB, Défi également.
Libres s’adresse spécifiquement aux déçus des formations politiques que je viens de citer. C’est écrit explicitement dans la charte : Libres veut fédérer « les fédéralistes francophones, les sociaux-démocrates, les libéraux de progrès, les humanistes, les écologistes pragmatiques.«
Plus globalement, il y a des marqueurs forts de gauche et écolo. Petit florilège :
- Il faut « construire les nouvelles solidarités pour tenir en échec la loi du plus fort qui n’est, en définitive, que la loi du plus égoïste«
- La sécurité sociale « doit être justement financée » et est « non seulement nécessaire mais aussi un filet de sécurité collective«
- « Le droit à un revenu décent est le premier levier pour un retour à des conditions de vie digne«
- « Il faut sortir des énergies fossiles coûte que coûte« .
Mais ces marqueurs ne font pas de Libres un parti de gauche. Si vous lisez bien la charte, vous trouverez beaucoup de marqueurs de droite :
- D’abord, c’est dans le nom du parti, libres pour liberté et responsabilité individuelle qui sont des valeurs cardinales
- « Nous promouvons avec vigueur la liberté d’entreprendre, qui est une condition de l’épanouissement individuel et collectif«
- Il y a un rejet de l’assistanat : « Ceux qui sont dans le besoin doivent être soutenus sans être réduits à la dépendance«
- Chez Libres, la rigueur budgétaire est de mise : « Chaque dépense inconsidérée est une dette que nous imposons à nos enfants«
- On notera aussi que Libres propose un impôt des sociétés significativement plus bas qu’aujourd’hui, 20%, et même 15% sur les premiers 250.000€ de bénéfices des PME
- Libres parle aussi d’une migration « maîtrisée et choisie« . Le texte se veut respectueux des personnes migrantes, loin des caricatures.
Il y a donc pas mal d’éléments assez à droite.
Je dois ajouter que la charte rejette le clivage gauche droite. Mais si je devais placer Libres sur cet axe, je le mettrais plutôt au centre droit, plus à droite que Les Engagés d’ailleurs. Donc, là aussi, la concurrence sera féroce, le parti pris en sandwich entre les deux partis francophones actuellement au pouvoir.
On se demande donc où est l’espace politique pour ce parti, entre progressisme et libéralisme.
Quelles perspectives pour le nouveau parti d’Olivier Maingain ?
Ce qui ressort le plus à la lecture du texte, c’est que Libres serait peut-être mieux en France. Le texte a des accents majoritaires, avec un changement de règles au niveau électoral : on garde pour partie la proportionnelle, et on rajoute du majoritaire, avec un élu par circonscription. Et puis, surtout, le texte est très porté sur la laïcité, comme strictement aucun autre parti chez nous.
Au final, Libres, c’est Macron 1.0, celui de 2014, celui qui venait de la gauche, mais qui voulait dépasser les clivages. Et qui a fini bien à droite. Je ne dis pas que c’est le destin de Libres. Mais ce type de charte, qui pioche un peu partout, avec pas mal de lignes rouges franchies pour tous les autres partis, ce programme, on a du mal à l’imaginer soluble dans un gouvernement de coalition. Olivier Maingain le disait d’ailleurs, la conquête du pouvoir n’est pas la seule fin. Il faut peut-être voir Libres comme un appel général au sursaut, plus qu’un parti à même de pouvoir peser au pouvoir.
D’autant plus que la méthode que veut promouvoir Olivier Maingain, c’est « la raison, l’analyse scientifique et intellectuelle, sans être dans l’affrontement« . Dans un monde de plus en plus illibéral, où les sondages montrent qu’une partie de la population semble vouloir un leader fort et autoritaire. Il y a quelque chose qui ressemble à un baroud d’honneur dans cette initiative. Mais peut-être pas beaucoup plus.