Le monde médical n’est pas le seul à s’inquiéter du phénomène. Depuis 2018 déjà, la Commission des jeux de hasard alerte sur les risques de ces pratiques.
Ce qui l’inquiète particulièrement, ce sont les « Loot Boxes », des boîtes de récompenses ou des roues à tourner présentes dans les jeux populaires chez nos ados.
« Nous avons alerté sur le fait que de plus en plus de jeux vidéo contiennent, en réalité, des jeux de hasard. Ces loot boxes sont des jeux de hasard parce qu’on a un jeu, on a un enjeu et on a une possibilité de gain ou de perte puisqu’on ne sait jamais exactement ce qu’on va recevoir« , analyse Magali Clavie, présidente de la Commission.
« Ces jeux ne sont soumis à aucune réglementation. On s’est donc posé la question de savoir ce qu’il y avait lieu de faire pour être sûr que les joueurs soient protégés adéquatement« , ajoute-t-elle.
La loi sur les jeux de hasard date de 1999, à cette époque, ce type de jeux, ni même les smartphones n’existent. Résultat : il n’y a, aujourd’hui, aucun cadre légal pour encadrer ces jeux.
En 2018, la Commission estime que ces jeux de hasard ne sont pas légaux et interdit donc le secteur des jeux vidéo d’intégrer ce type de loot boxes dans leur contenu. Le secteur belge est obligé de s’y plier, certaines grandes sociétés de jeux sur ordinateur ou consoles plient…
Mais sur les téléphones, c’est une autre histoire : »Nos jeunes sont confrontés à des jeux de hasard, comme s’ils étaient dans un casino », estime Magali Clavie.
Une étude récente montre le lien entre ces jeux de hasard dans les jeux vidéo et une dépendance aux jeux d’argent plus tard
Fin 2024, une étude de la KULeuven pointe le lien entre jeux vidéo avec éléments de hasard et consommation de jeux d’argent chez les plus jeunes.
L’étude a suivi environ 2300 individus âgés de 12 à 17 ans pendant trois ans. 500 d’entre eux ont participé aux trois phases de l’étude. Huit adolescents sur dix ont déclaré jouer régulièrement à des jeux vidéo. Parmi eux, 60% ont affirmé avoir participé à des jeux de hasard et d’argent au cours de l’année écoulée, bien qu’ils soient interdits aux mineurs.
Les chercheurs et chercheuses ont constaté que les jeunes exposés à des éléments de jeu d’argent dans les jeux vidéo, lors de la première phase de l’enquête, présentaient un an plus tard une forte propension à des comportements de jeu réels plus fréquents.
« C’est vraiment interpellant », explique Magali Clavie, « ces études montrent que, au plus les jeunes sont habitués avec ce type de jeux vidéo dans leur jeunesse, au plus il y a un risque qu’ils basculent à l’âge adulte dans les jeux de hasard… Avec évidemment les risques d’addiction et d’excès qu’on connaît dans ce domaine. »
La commission européenne se penche sur le sujet
La Commission est au courant que son interdiction n’est pas respectée par une série de sociétés internationales : « On sait que cette interdiction est un peu théorique parce qu’il y a des centaines et des centaines de jeux vidéo avec ce genre de loot boxes ou d’éléments aléatoires dedans. Et donc, plus récemment, on s’est réuni avec des collègues d’autres régulateurs européens, avec le secteur des jeux vidéo, avec les chercheurs, les scientifiques et pour voir vraiment quelle serait la solution idéale. »
Pour les achats intégrés aussi, la Commission réclame des mesures : « C’est en fait un achat permanent. On peut penser qu’on achète un jeu à 50 €. Mais en définitive, ce jeu pourra nous coûter éventuellement 500 € ou beaucoup plus. Et donc une de nos recommandations, c’est justement d’avoir une information très correcte par rapport à ça, dès l’achat. Il faut que les acheteurs savent ce qu’ils peuvent faire avec la version de base et ce qu’ils peuvent faire avec tous les contenus aléatoires. »
Aujourd’hui la Commission plaide donc pour une régulation européenne : « Ce que nous pensons, c’est qu’il faudrait une réglementation au niveau européen. On sait qu’en matière de jeux vidéo, les frontières ne représentent rien et que les jeux ne sont créés uniquement pour la Belgique, mais pour le monde entier. Donc si on pouvait déjà commencer par une réglementation européenne uniforme, ça serait très bien« , ajoute Magali Clavie.
Silence radio du côté des éditeurs
Nous avons contacté ces grandes plateformes de jeux vidéo. À l’heure d’écrire ces lignes, seul la société ROBLOX nous est revenue. Si les loot boxes ont bien été bannies sur ce jeux, Roblox offre tout de même des contenus intégrés.
Pour Roblox, il s’agit, avant tout, de la responsabilité des parents : « Il est important que les parents soient impliqués dans les aspects financiers de la vie en ligne de leur enfant. C’est pourquoi, bien que la grande majorité des comptes Roblox commencent avec un solde nul, nous n’appliquons pas automatiquement de restrictions ou de limites de dépenses. Les responsables, les parents sont les mieux placés pour déterminer ce qui est approprié pour leur enfant en fonction de leur situation familiale unique. »
La société rappelle tout de même que des gardes fous ont été prévus, mais à charge des parents de les comprendre et de les appliquer: « Les parents et les tuteurs peuvent gérer à distance le compte Roblox de leur enfant via un compte lié vérifié – avec la possibilité de voir la liste d’amis de leur enfant, de définir le contrôle des dépenses et de gérer le temps passé devant l’écran. »