La performance à tout prix ?
Cette notion de comparaison et de mise en concurrence peut cependant – à excès – poser des problèmes de santé, tant physiques que psychologiques. Certains sportifs, attirés par la volonté de se surpasser ou de surpasser les autres en arrivent à dépasser leurs limites.
L’effet entraînant des réseaux sociaux peut aussi avoir comme conséquence d’aller un peu plus vite que la musique.
Marc Xhonneux, directeur communication de l’Adeps
« Ces montres et les programmes qui vont avec ont toujours tendance à challenger et repousser les limites un petit peu plus loin. L’effet entraînant des réseaux sociaux peut aussi avoir comme conséquence d’aller un peu plus vite que la musique » averti Marc Xhonneux, le directeur communication de l’Adeps.
Pour Philippe Godin, professeur en psychologie du sport à l’UCLouvain, « l’aspect compétitif, mal compris, contient aussi des aspects négatifs« . Pour le professeur, il est important de se rappeler que « l’humain ne sait pas reculer ses limites. On peut s’en rapprocher. Mais plus on s’en rapproche, plus on est sur la ligne rouge, plus on peut commencer à prendre des risques.«
Dans le milieu de l’ultra-trail, on parle d’épreuves qui ont des dénivelés importants sur une distance de 60-70 km voire plus. Certains banalisent ça alors que c’est déjà de belles distances.
Nicolas Peeters, kinésithérapeute et coach en trail au Royal White Star Athletic Club
Un risque d’abord sur la santé physique. En se poussant dans leurs derniers retranchements, certains en arrivent à se blesser : « C’est clairement établi, au moins 80% blessures sont liés à une mauvaise charge de l’entraînement« , révèle le kinésithérapeute Nicolas Peeters. « C’est notamment le cas lorsque les gens veulent aller trop vite, trop loin, parcourir trop de kilomètres. »
Et cette prise de risques n’est pas sans lien avec la popularité et la mise en avant des épreuves sportives intenses sur les réseaux sociaux : « Par exemple, dans le milieu du trail, l’ultra-trail prend énormément de place au niveau des médias sociaux et des partages. On parle d’épreuves qui ont des dénivelés importants sur une distance de 60-70 km voire plus. Certains banalisent ça alors que c’est déjà de belles distances. Mais dans le monde du trail, le 100 kilomètres, le 120 kilomètres est devenu quelque chose d’assez banal aux yeux de certains« . Des épreuves qui mettent le corps à dures épreuves donc.
L’importance d’un esprit sain
Mais au-delà du corps, c’est aussi l’esprit qui peut être perturbé par la comparaison à outrance : « l’individu doit d’abord rester autonome avec lui-même et non pas nécessairement toujours avoir besoin de se comparer à l’autre » prévient le psychologue Philippe Godin.
Là où auparavant, on était plus dans une notion de sport loisir, on est aujourd’hui davantage dans une notion de performance. Cette notion de performance n’est pas toujours mauvaise parce qu’elle fait progresser les gens, mais elle peut aussi avoir des côtés pervers.
Nicolas Peeters, kinésithérapeute et coach de trail au Royal White Star Athletic Club
Depuis l’avènement des applications et réseaux sociaux sportifs, l’entraîneur Nicolas Peeters remarque que « là où auparavant, on était plus dans une notion de sport loisir, on est aujourd’hui davantage dans une notion de performance. Cette notion de performance n’est pas toujours mauvaise parce qu’elle fait progresser les gens, mais elle peut aussi avoir des côtés pervers.«
Deux extrêmes se révèlent dès lors : d’abord, certains vont prioriser la pratique sportive à d’autres priorités de vie. D’autres, au contraire, pourraient se décourager du sport.
Par crainte du regard d’autres sportifs, certains vont avoir honte de partager leur performance sur les plateformes. D’autres, afin d’obtenir ou de garder de bonnes statistiques, en arrivent même à payer d’autres sportifs à courir pour eux, en utilisant leurs comptes.
Pour le professeur de l’UCLouvain, il est donc important de ne pas accorder une importance trop grande à la comparaison de performances que permettent ces réseaux : « le sport doit être positif, doit justement contribuer à améliorer cette estime de soi. Donc si l’on commence à se dire que l’on n’a pas atteint ses objectifs, on va avoir des regrets, des remords et éprouver des émotions négatives, ce qui est exactement le contraire de ce que le sport doit amener.«
Tout le monde n’est pas sportif de haut niveau, écouter son corps est essentiel
C’est donc parfois l’humilité qu’il faudra montrer face à ses propres capacités. Pour Marc Xhonneux, directeur communication de l’Adeps, « le Grand Conseil, c’est la progressivité et se mettre des objectifs à hauteur de ce qu’on est capable de faire, et du temps qu’on est capable aussi de consacrer. »
Il est aussi important de ne prendre à la lettre les données de nos applications et objets connectés. Elles sont un moyen d’indication de nos performances, mais selon Philippe Godin « elle devrait être intégrée dans un programme beaucoup plus complexe, suivi par un préparateur physique compétent, dûment formé, avec cinq ou six années d’études. » Au-delà des chiffres et des données, c’est donc un suivi avec un professionnel du sport et de la santé qui est recommandé.