Le conseil d’administration de Up Circus & Performing Arts (ASBL Espace Catastrophe), acteur majeur du cirque contemporain en Belgique, a décidé de prendre des mesures suite aux interpellations de près d’une vingtaine d'(ex-) employés.
Dans un dossier de plus de cent pages, ils dénonçaient les méthodes des deux directeurs à la tête de l’ASBL depuis près de 30 ans, Catherine Magis et Benoit Litt. Crises de colère, humiliation, violence verbale : les travailleurs dépeignaient un climat de travail toxique, comme nous vous le révélions en début de semaine.
L’organe d’administration élargi, présidé par Patrick Paulo, s’est réuni hier. « Nous avons pris des mesures fortes » annonce-t-il. « Chaque souffrance au travail doit être prise extrêmement au sérieux ».
Un nouveau directeur opérationnel
Le conseil d’administration a donc décidé à l’unanimité d’engager un directeur opérationnel, qui sera au même niveau hiérarchique que les deux directeurs actuels.
« On voulait engager un directeur opérationnel pour recadrer cet aspect managérial (…) Il aura en charge évidemment les ressources humaines, mais également d’autres aspects opérationnels pour accompagner le personnel et les projets à venir » explique Patrick Paulo, président du conseil d’administration. La direction artistique, elle, restera entre les mains de la direction actuelle.
L’engagement du nouveau directeur opérationnel devrait se faire très rapidement, vu l’urgence de la situation.
Les travailleurs bientôt entendus un à un
Le conseil d’administration s’engage par ailleurs à ce qu’une délégation rencontre l’ensemble de l’équipe individuellement, ainsi que les anciens travailleurs qui le souhaitent.
« Chaque souffrance doit être entendue. Parfois c’est l’objet d’une maladresse, mais pour celui qui subit la souffrance, c’est extrêmement dur. Il est de notre devoir de pouvoir entendre toutes les personnes de manière objective » affirme Patrick Paulo.
« Le message du conseil d’administration, c’est ‘on est là, on veut vous écouter, on veut vous entendre’ « .
Les deux directeurs mis en cause seront également accompagnés, afin de « renforcer la confiance mutuelle et la collaboration avec l’équipe ».
Un bilan de l’évolution de la situation tous les trois mois
Par ailleurs, une structure indépendante prendra le pouls de manière trimestrielle au sein de l’ASBL pour voir comment évoluent les relations de travail chez UP. Travailleurs et direction seront entendus et un retour sera fait au conseil d’administration.
Patrick Paulo tient à rappeler que « UP Circus & Performing Arts est une institution majeure du cirque contemporain qui contribue largement à la reconnaissance artistique du secteur auprès d’un large public en Belgique & à l’international. Que cette reconnaissance est le fruit de près de trente années de travail et d’un dévouement total des deux directeurs ».
Il insiste également sur la pression qui pèse sur le secteur culturel.
« On doit faire énormément avec très peu (…) Le fait de vouloir faire des choses à tout prix engendre parfois de la souffrance, car on entraîne parfois les gens dans des excès de travail. C’est dû aussi au fait que c’est un secteur à qui on ne donne pas toujours les moyens des objectifs qu’on lui demande ».
Des mesures insuffisantes ?
Le collectif de travailleurs qui a constitué le dossier de témoignages dénonçant le comportement des deux directeurs a réagi à ces mesures. Tout d’abord, ils saluent « la volonté de changement et la prise en main qu’a opéré le conseil d’administration ».
Néanmoins, ils restent dubitatifs quant à la capacité de remise en question du duo mis en cause. Benoit Litt et Catherine Magis avaient en effet qualifié les témoignages d' »infondés ou détournés » et avaient déclaré se sentir « harcelés » par des personnes « voulant leur nuire ».
Le collectif de travailleurs estime que les schémas de violence dénoncés nécessiteraient « une refonte profonde du modèle managérial ». Ces (anciens) employés auraient donc espéré des mesures plus fortes : « même si nous saluons les mesures annoncées, elles nous semblent légères ».
« Cette souffrance n’est pas le résultat de maladresses »
Ils soulignent, en réaction aux déclarations du président du conseil d’administration, que « le dévouement du duo de direction pour le secteur du cirque, ne justifie ni n’excuse en rien les méthodes de management autoritaires et violentes (…) »
« Il en va de même du manque de moyens qui ne peut en aucun cas vous détourner du véritable enjeu : la souffrance de travailleur.euse.s. Et cette souffrance n’est pas le résultat de ‘maladresses’ » poursuivent-ils.
Par ailleurs, le collectif annonce avoir été contacté, depuis la diffusion de notre reportage, par quatre nouvelles personnes ayant subi les mêmes comportements de la part de la direction.
Le collectif de travailleurs conclut : « Les comportements que le collectif rapporte sont inacceptables et sont pourtant connus dans le milieu culturel belge depuis au moins 20 ans. Comment justifier la volonté de garder, en tout état de cause, ces personnes en poste à la direction d’une structure aussi importante en Fédération Wallonie-Bruxelles ? »
Un prochain conseil d’administration est prévu le 23 avril.