Le gouvernement fédéral (comme avant lui le gouvernement wallon) a décidé de faire de la création d’emploi, de la lutte contre le chômage, l’un de ses principaux chevaux de bataille politique. Ce quasi plein emploi (80% de la population au boulot) à l’horizon 2029 est même présenté comme le remède-miracle au mal qui ronge le pays, l’endettement public.
On ne peut que louer ces ambitions, même si à ce stade, un chouïa de scepticisme prévaut quelque peu. L’histoire politique belge récente nous a appris qu’il y a souvent loin de la coupe aux lèvres, surtout en début de législature.
100.000 exclusions ?
Pour arriver à un tel taux d’emploi, il faudrait en créer plus de 550.000, soit bien plus que l’actuel nombre de chômeurs ou que les prévisions du Bureau du Plan pour les prochaines années, tenant compte de la croissance économique (320.000). Mettons cela sur le compte de l’ambition ou de l’objectif vers lequel il faut tendre ; la Flandre y est presque (76,9%) mais cela relève de la mission impossible pour la Wallonie (67,1%) et Bruxelles (64,1%).
Pour « activer » ce marché de l’emploi, le gouvernement fédéral entend notamment réduire à deux ans la durée des indemnités de chômage des moins de 55 ans. Selon le ministre Clarinval en charge du dossier, cela concernerait aujourd’hui plus de 100.000 personnes. Parmi celles-ci, les trois quarts habitent la Wallonie ou Bruxelles. Voilà qui donne un tour linguistique à ce dossier, au point de faire réagir la ministre… flamande de l’emploi, Zuhal Demir (N-VA).
Contre-productif ?
Les nationalistes flamands sont pourtant historiquement en faveur de la limitation des indemnités de chômage dans le temps. Mais la Flandre est bien plus confrontée à une pénurie de main-d’œuvre qu’au chômage de masse.
Elle voudrait donc que les chômeurs qui se forment à un métier en pénurie (enseignant, infirmier, etc.) puissent échapper à sanction, rejoignant ainsi le CD&V et Vooruit. Comme Les Engagés sont relativement sur la même longueur d’onde, le MR se retrouve isolé et le ministre Clarinval craint de voir sa réforme s’effilocher avant même sa mise en œuvre. Ce dernier a pris acte et se limite à annoncer la réforme « pour bientôt », comme un soutien aux CPAS ou aux régions les plus touchées, au point que le gouvernement bruxellois a déjà mis le point à l’agenda du Comité de Concertation.
À ce stade, il n’y a donc que des intentions, des principes mais aucun calendrier, aucune disposition concrète et donc beaucoup d’inquiétudes et d’incertitudes pour des dizaines de milliers de personnes, déjà en situation précaire.