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Explorer la vitesse de la pensée humaine : une plongée en profondeur

Des chercheurs du California Institute of Technology tentent de calculer la vitesse de la pensée humaine. Et le chiffre qu’ils obtiennent est un chiffre légèrement déconcertant de 10 bits d’information par seconde.

Mais de quoi parle-t-on ici ? Votre esprit pourrait (étonnamment lentement, il s’avère) supposer que nous parlons de « bits » comme ceux d’un ordinateur. En langage informatique, un bit peut avoir l’une des deux valeurs, souvent représentées par un chiffre binaire : 1 ou 0. Mais cela ne correspond pas à la quantité d’informations transmises, parfois appelée « shannon », du nom de Claude Shannon, qui à son tour, il est appelé le « père de la théorie de l’information ».

« Pour comprendre la notion d’information, il est essentiel de la distinguer de celle de données. Voici un exemple. Nous avons une amie qui vient d’accoucher et nous lui envoyons un message pour lui demander le sexe du nouveau-né. De notre point de vue, il y a autant de chances que le bébé soit un garçon ou une fille. Par conséquent, sa réponse nous enverra exactement 1 shannon. Pour répondre, elle nous enverra probablement une phrase composée de plusieurs caractères, chacun représenté par plusieurs bits. Nous allons donc recevoir plusieurs dizaines de bits de données pour 1 shannon », explique Vincent Gripon, professeur associé à Télécom Bretagne.

« Notre cerveau est habitué à ce fait. On estime que cent millions de bits de données par seconde sont transmis du cortex visuel aux régions profondes de notre néocortex. La plupart de ces données nous sont totalement inutiles et ne contiennent en outre que très peu d’informations.»

Les scientifiques qui étudient la théorie de l’information ont tenté de quantifier l’information de divers systèmes, notamment la quantité d’information transmise dans chaque syllabe du langage et la quantité d’information présente dans l’ensemble de l’univers observable. Ce faisant, ils sont tombés sur un petit mystère : notre cerveau est constamment bombardé de données sensorielles à un rythme incroyable, estimé à 109 bits par seconde, alors que nos pensées conscientes traitent les informations à un rythme beaucoup plus lent.

Comme on pouvait s’y attendre, la pensée humaine est difficile à quantifier. Pour tenter d’y parvenir, les auteurs d’une nouvelle étude ont examiné les tâches que les gens effectuent et la quantité d’informations qu’ils traitent au cours de celles-ci. L’une de ces tâches est la saisie manuelle de texte.

« Un bon dactylographe peut taper jusqu’à 120 mots par minute. Si chaque mot est considéré comme comportant 5 caractères, cette vitesse de frappe correspond à 10 frappes par seconde. Combien d’informations cela représente-t-il ? Nous avons envisagé de compter les touches du clavier et de prendre le logarithme de ce nombre pour obtenir l’entropie d’un seul caractère, mais ce serait un peu exagéré », a écrit l’équipe dans son article.

« La langue anglaise contient des structures internes ordonnées qui rendent le flux de caractères hautement prévisible. En fait, l’entropie de la langue anglaise n’est que d’environ 1 bit par caractère. Les dactylographes experts s’appuient sur toute cette redondance pour taper plus vite : s’ils étaient obligés de taper une séquence aléatoire de caractères, leur vitesse diminuerait fortement.

Sur cette base, ils ont pu calculer que la vitesse de pensée avec laquelle un dactylographe travaille lorsqu’il tape une séquence aléatoire de caractères est d’environ… 10 bits par seconde. En examinant d’autres tâches, du jeu de Tetris à la résolution d’un Rubik’s Cube dans des conditions contrôlées en passant par l’écoute de l’anglais, l’équipe a estimé que la plupart de ces tâches sont exécutées à une vitesse similaire, étonnamment faible.

« C’est un chiffre extrêmement faible », déclare Markus Meister, co-auteur de l’article. « À tout moment, nous extrayons seulement 10 des milliards que nos sens captent, et nous les utilisons pour percevoir le monde qui nous entoure et prendre des décisions. Cela soulève un paradoxe : que fait le cerveau pour filtrer toutes ces informations ?

Alors que notre cerveau fait face à une avalanche de données sensorielles, nos pensées conscientes semblent fonctionner à une vitesse beaucoup plus lente. L’équipe note que cela pourrait avoir des implications, par exemple, sur la création d’interfaces cerveau-ordinateur. Même si des interfaces cerveau-ordinateur pourraient un jour émerger pour accélérer l’activité cérébrale humaine, nous pourrions être limités par la vitesse de notre propre capacité cognitive.

Plus généralement, cela soulève un certain nombre de questions, comme celle de savoir pourquoi notre système nerveux peut traiter des milliers d’éléments en parallèle, alors que notre pensée consciente évolue à un rythme si lent.

« Comment les humains peuvent-ils gérer seulement 10 bits/s ? La réponse intuitive ici est qu’une cognition à un rythme aussi lent est suffisante pour survivre », écrit l’équipe. « Plus précisément, nos ancêtres ont choisi une niche écologique dans laquelle le monde était suffisamment lent pour permettre la survie. En fait, les 10 bits/s ne sont nécessaires que dans les pires scénarios, et la plupart du temps, notre environnement évolue à un rythme beaucoup plus lent.

Bien qu’il s’agisse d’une estimation intéressante de la vitesse de l’information dans la pensée humaine, l’équipe souligne qu’elle soulève davantage de questions et, plutôt que de fournir des réponses, offre une opportunité pour des recherches plus approfondies dans le futur.

« En particulier, notre système nerveux périphérique est capable d’absorber les informations de l’environnement à un rythme beaucoup plus élevé, de l’ordre du gigabit/s », écrit l’équipe. « Cela définit un paradoxe : le vaste écart entre le minuscule débit d’informations du comportement humain et les vastes entrées d’informations sur lesquelles ce comportement est basé. Ce ratio énorme – environ 100 000 000 – reste largement inexpliqué.

Photo illustrative de Pixabay : https://www.pexels.com/photo/light-trails-on-highway-at-night-315938/

Publié à l’origine dans The European Times.

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