Dans une démarche sans précédent, le chef de Hay’at Tahrir al-Sham, connu sous le nom de Joulanî, a publié un communiqué officiel en utilisant son véritable nom, Ahmad al-Shar’a, pour saluer l’entrée de ses combattants dans la ville de Hama. Cette annonce survient à un moment critique, alors que Hama devient la deuxième ville prise par les factions armées, après que la ville d’Alep, la plus grande de Syrie, a perdu son contrôle au profit de l’opposition armée.
Ahmad al-Shar’a, connu sous le nom d’Abou Mohammad al-Joulanî, est l’une des figures les plus en vue de l’opposition syrienne. Né en 1986 en Syrie, il a d’abord rejoint les rangs d’Al-Qaïda en Irak, où il a acquis une réputation de chef militaire. Sa personnalité mystérieuse s’est renforcée lorsqu’il a été capturé par les forces américaines et a purgé cinq années dans une prison avant d’être libéré. À son arrivée en Syrie au début de la guerre civile en 2011, il a rapidement pris les rênes d’un groupe militant qui allait devenir la branche syrienne d’Al-Qaïda, initialement appelée Jabhat al-Nusra.
Au fil du temps, Joulanî est devenu un leader important des factions armées, rompant ses liens avec Al-Qaïda en 2016 pour former Hay’at Tahrir al-Sham. Ce changement a marqué une tentative de se distancier des étiquettes terroristes qui collaient à son groupe et de se présenter comme une force plus modérée de l’opposition syrienne.
Après la prise de contrôle d’Alep par Hay’at Tahrir al-Sham, Joulanî a commencé à apparaître de plus en plus dans les médias, cherchant à rassurer les minorités en Syrie qui craignent la montée en puissance des groupes extrémistes. Dans une occasion, il est apparu dans une vidéo militaire, donnant des ordres aux combattants pour protéger les civils et les empêcher d’envahir les maisons. Ce désir de légitimation et d’acceptation au sein de la communauté syrienne montre une volonté de changer l’image de son groupe.
Les actions de Joulanî signalent un changement stratégique dans le comportement de Hay’at Tahrir al-Sham, qui a commencé à accepter des symboles de la révolution syrienne auparavant rejetés. Lors d’une visite au château d’Alep, il est apparu aux côtés d’un combattant portant le drapeau de la révolution, symbolisant son intention de gagner un soutien plus large parmi les différentes couches de la société syrienne.
En 2020, Joulanî a également intensifié ses efforts pour se présenter comme un acteur politique légitime, en mettant en place des structures administratives et des services civils dans les zones sous son contrôle, notamment à Idlib. Cette évolution a contribué à renforcer son image de leader capable de gouverner et de maintenir l’ordre dans un contexte de guerre.
Avec l’effondrement continu de l’État islamique et le renforcement de la position de Hay’at Tahrir al-Sham à Idlib, il semble que Joulanî cherche à établir un nouveau modèle de leadership dans les zones échappant au contrôle du gouvernement syrien. Il a créé une administration civile connue sous le nom de Gouvernement de la Sauvegarde, indiquant son intention de se présenter comme un leader fiable à l’avenir.
Son groupe a également cherché à s’impliquer dans des alliances avec d’autres factions de l’opposition, tout en continuant à lutter contre le régime syrien et les forces kurdes. Les événements en Syrie continueront d’évoluer, et avec eux, les contours de la stratégie que suivra Joulanî et Hay’at Tahrir al-Sham dans ce contexte en mutation se préciseront.
Ahmad al-Shar’a, en tant que Joulanî, incarne les complexités et les contradictions de la guerre en Syrie. Son cheminement, de chef d’une branche d’Al-Qaïda à leader d’une organisation prétendant représenter l’opposition syrienne, reflète non seulement sa capacité d’adaptation, mais aussi les dynamiques changeantes du conflit. Le monde suivra attentivement ses prochaines étapes, car elles pourraient façonner l’avenir de la Syrie et la nature de la résistance face à un régime toujours en place.