Du 14 au 16 février 2024, une formation sur les droits de l’Homme a été dispensée à un groupe de délégués de classe âgés de 12 à 18 ans. Ces jeunes élus n’avaient aucune connaissance préalable sur le sujet. L’objectif principal de cette formation était de renforcer leur compréhension des Droits de l’Homme, d’accroître leur conscience citoyenne et de développer leurs aptitudes en tant que leaders. Pour évaluer l’impact de cette formation, des interviews ont été conduites avec les participants en avril et mai 2024. Les résultats de cette formation soulignent un changement certain vers une posture citoyenne plus encrée et volontaire.
De Murielle Gemis – à l’occasion du 10 décembre 2024, date anniversaire des Droits de l’Homme.
Depuis son arrivée à la direction de l’école Mercelis à Ixelles, Monsieur Andy Wattié s’efforce de mettre en place un système durable de délégués de classe. Soutenu par son équipe enseignante, cette initiative a bénéficié de l’expertise de Murielle Gemis, fondatrice de HumanRights4Prosperity, une organisation dédiée à la formation et à la sensibilisation des acteurs entrepreneuriaux aux droits de l’Homme. En tant que psychopédagogue, Murielle Gemis a identifié dans les jeunes délégués de classe des futurs leaders et entrepreneurs, capables de promouvoir des valeurs citoyennes et responsables. Elle a ainsi proposé de former les délégués grâce à une formation ayant déjà fait ses preuves dans des contextes plus difficiles. Elle a animé la formation avec Quentin Delassias, étudiant stagiaire, et Danielle Ferron, enseignante et experte dans la mise en place de délégués de classe dans les écoles. À cela s’ajoute l’utilisation des outils offerts gracieusement par le partenaire humanitaire Youth for Human Rights. Ce projet ambitieux vise non seulement à renforcer le rôle des délégués, mais aussi à leur offrir des bases solides pour devenir des acteurs responsables et engagés dans leur vie future, qu’elle soit scolaire ou professionnelle.
Cette formation, étalée sur trois jours, a été structurée en modules spécifiques. Ceux-ci ont abordé divers aspects allant des dynamiques de survie et des Droits et liberté liées à l’être humain, à la clarification des termes et des principes des Droits de l’Homme de 1948. La formation a également abordé des compétences pratiques telles que l’établissement de règles au sein d’un groupe et la communication du leader.
Les participants ont appris l’existence d’organisations dédiées aux Droits de l’Homme, y compris en Afrique, grâce à la rencontre en direct via zoom avec le président Kabine Doumbia de l’ONG ASDRAD.Mali . Un des participant dira : « J’ai appris qu’il y a des organisations sur les droits de l’Homme aussi en Afrique. » Un autre ajoutera « Qu’il y a différents droits qu’on peut défendre. »
À la fin de ces trois jours, les délégués se sont rendus dans chaque classe pour fournir à une grande partie des élèves de l’école des outils essentiels, tels que des vidéos sur les 30 articles des droits de l’Homme adapté à leur jeune âge et le carnet de Youth for Human Rights. Cette dernière initiative a permis aux délégués de mettre en pratique leurs connaissances en les transmettant à leurs pairs dans leurs propres mots, favorisant ainsi la promotion des articles des droits de l’Homme à une plus grande échelle.
Points de vue des participants et enjeux futurs
Pour évaluer l’atteinte des objectifs fixés, une enquête ultérieure a été menée, révélant des changements significatifs dans le comportement des participants, notamment une amélioration des relations interpersonnelles, un plus grand respect des autres, et une meilleure compréhension des Droits de l’Homme, observée à la fois par les délégués eux-mêmes et par leurs pairs. Suite à ces résultats, les jeunes participants ont également été invités à identifier les domaines où ils pourraient avoir besoin de soutien supplémentaire pour mieux mettre en pratique les concepts appris lors de la formation, ainsi qu’à proposer des ressources ou formations complémentaires qui leur seraient utiles.
Voici une synthèse des réponses obtenues, accompagnée de verbatims illustratifs des participants :
Les participants ont retenu divers droits fondamentaux « Les différents droits de l’Homme comme celui de l’expression, j’ai le droit de parler, de voter, de circuler où je veux,…« . La formation a permis aux participants de réaliser l’étendue de leurs libertés personnelles « J’ai découvert que j’avais plus de liberté grâce à ces droits. J’ai la liberté de parler ma langue. » Les vidéos utilisées durant la formation ont eu un impact significatif, rendant les concepts plus concrets et réalistes. « J’ai aimé les vidéos, surtout comment cela a été fait, ça me paraissait réel. » « Ce que j’ai le plus aimé, c’est le carnet avec les vidéos parce que c’est intéressant et que j’ai appris de nouvelles choses comme le fait d’être emprisonné alors qu’il n’a rien fait. » La distinction entre dictature et leadership a été particulièrement marquante pour certains participants. « La partie expliquant la différence entre dictateur, chef et leader. » Les participants ont compris que les droits de l’Homme s’appliquent à tous, sans distinction de couleur de peau ou autre. « Les droits de l’Homme sont pour tous et il n’y a pas de différence peu importe la couleur de peau.«
Certains participants ont noté une amélioration de leurs compétences linguistiques et de leurs capacités de communication. « J’ai une amélioration en français et je parle mieux avec les autres. »
Ils mettent en avant qu’ils ont développé une nouvelle perception des autres et des situations de conflit « Je vois différemment les gens car avant je n’avais pas cette perception des autres. »
« Le droit de vivre m’a beaucoup fait réfléchir sur ce qui se passe dans certaines régions en guerre où je vois que ce droit-là n’est absolument pas respecté. Si un jour la guerre est chez nous, je ne veux pas participer à ça. » Plusieurs participants ont commencé à agir différemment, montrant plus de respect et de courtoisie envers les autres. « Je me lève beaucoup plus souvent pour les personnes âgées alors qu’avant c’était plutôt rare. » « Je respecte le passage pour piéton. » »J’ai appris à mettre en place des règles et je suis beaucoup plus discipliné dans la rue et à la maison. Par exemple, je respecte les plus grands, un jour dans le tram, je me suis levé pour laisser ma place à une personne plus âgée que moi alors qu’avant je ne faisais pas ça. »
Les participants ont également commencé à intervenir pour promouvoir le respect des droits des autres. « Je respecte les plus petits que moi, je ne fais plus de bagarres. Mon environnement est plus calme. » « En classe, je fais comprendre qu’il ne faut pas juger. Par exemple, un jour toute la classe s’est moquée de A avec un surnom Mayget et je suis intervenu en leur demandant comment ils se seraient sentis s’ils étaient à la place de A. Sur le moment, ils ont continué. Aujourd’hui, c’est moins fort et moins insultant. »
« Dans ma famille, avec mes petits frères. Quand ils s’insultent ou qu’ils sont violents l’un envers l’autre, maintenant j’interviens même si c’est après. Je les assois sur le canapé et je leur explique que la violence n’est pas utile. En faisant cette interview, je me dis que je vais leur montrer les vidéos que vous nous avez montrées. »
Les participants ont noté des améliorations dans leur comportement et leur interaction avec les autres. « Je suis beaucoup moins timide qu’avant. Le fait que nous étions en groupe, que nous avons parlé ensemble, ça m’a ouvert aux autres et je suis moins timide. »
« Je suis beaucoup plus calme et à l’aise. Je peux rester longtemps sans être excité et bouger tout le temps. »
« Quand je suis avec R, avant je ne l’écoutais jamais mais je parlais beaucoup de moi ; maintenant nous partageons ensemble ce que nous avons à dire. »
« J’écoute beaucoup plus quand on me parle, je prends le temps d’écouter avant de parler moi-même. »
Les participants ont commencé à promouvoir activement les droits de l’Homme auprès de leurs pairs. »La vidéo qui concerne la discrimination, je l’applique en faisant comprendre aux copains de classe que ça ne se fait pas de laisser quelqu’un tout seul. Moi-même, je suis plus vigilante à ne pas laisser tout seul les autres. » « J’ai parlé avec ma classe de cette liberté d’expression mais avec calme. »
Une analyse croisée de certaines réponses révèle des témoignages complémentaires et cohérents entre différents participants. Par exemple, deux participants ont mentionné des observations et des actions complémentaires, mettant en évidence l’impact collectif et individuel de la formation :
Participant A : « Je respecte les plus petits que moi, je ne fais plus de bagarres. Mon environnement est plus calme. »
Participant B : « J’ai observé que les délégués qui ont fait la formation sont beaucoup plus respectueux qu’avant. Parce que le petit H., qui était avec nous, il est beaucoup plus gentil et plus calme dans la cour mais aussi quand on parle ensemble. »
Les retours des participants sur leurs besoins de soutien supplémentaire après la formation révèlent des aspirations claires et des demandes spécifiques pour améliorer leur engagement et leur pratique des concepts appris. Certains expriment un désir de s’impliquer davantage dans des actions communautaires. « M’aider à trouver une association que je peux soutenir car j’ai envie de m’impliquer, » Ils proposent également que des enseignants expérimentés, comme Monsieur M.(professeur de religion), puissent jouer un rôle clé en facilitant cet engagement. La prise de parole en public est un autre domaine où les jeunes cherchent à se perfectionner. Un délégué explique : « Je voudrais être encore plus à l’aise en public. Surtout comme je suis délégué de classe. Je voudrais pouvoir parler et partager mes idées face à un grand groupe. » Un consensus se dégage également sur la nécessité d’étendre les bénéfices de la formation de manière complète à l’ensemble de l’établissement. « Je pense que cette formation devrait être donnée à toute l’école car ça apporte de la discipline, de la communication, et ça ma aidé à être plus à l’aise en classe » Enfin, certains appellent à un retour aux pratiques antérieures pour renforcer les compétences linguistiques. « Peut-être que dans le cours de français, on pourrait faire plus de savoir parler comme on faisait en primaire, ».
Conclusion : Pour une Citoyenneté Active et Responsable
Ces témoignages illustrent l’impact concret et positif d’une formation sur les Droits de l’Homme dans un contexte scolaire. Elle a permis aux participants de mieux comprendre et de s’approprier les principes des droits de l’Homme ce qui a augmenté leur conscience sociale et citoyenne, ce qui nous amène au développement des compétences pratiques et à l’adoption d’une attitude plus proactive et engagée en faveur de ces Droits fondamentaux de 1948. Le Participant A, par exemple, a démontré une amélioration personnelle en respectant les plus jeunes et en évitant les conflits, contribuant ainsi à un environnement plus paisible. Le Participant B a observé et confirmé ces changements, notant que l’amélioration du comportement de « petit H. » a eu un effet d’entraînement, influençant positivement ses pairs et favorisant un climat de respect et d’harmonie dans le groupe. Les changements observés ne sont pas seulement personnels mais également reconnus par les pairs, ce qui valide l’efficacité et la pertinence des enseignements dispensés. Cela souligne l’impact transformateur d’une formation complète sur les Droits de l’Homme sur le comportement individuel et collectif. Au-delà de ces résultats immédiats, cette initiative s’inscrit dans une démarche de durabilité. En effet, un enseignant du troisième degré, inspiré par l’enthousiasme des jeunes délégués qui partageaient les concepts des Droits de l’Homme de classe en classe, a regretté l’absence de participation des élèves du troisième degré, en stage au moment de la formation. Soucieux de combler cette lacune, il a décidé d’intégrer les Droits de l’Homme dans un de ses dispositifs éducatifs développé en collaboration avec l’association SOS Jeunes – Quartier Libre asbl. Cette approche vise à inscrire ces enseignements dans une dynamique renouvelée chaque année, permettant de toucher un public plus large et de pérenniser l’impact de la formation. Dans le contexte actuel de la réforme de la formation initiale des enseignants, il serait particulièrement pertinent d’outiller les futurs enseignants de tels dispositifs. Intégrer des modules sur les Droits de l’Homme de 1948 dans leur formation pourrait leur fournir les outils nécessaires pour développer des pratiques pédagogiques innovantes et sensibiliser les générations à venir à ces valeurs fondamentales. Ce cadre durable garantirait ainsi le renforcement continu des comportements responsables et des valeurs citoyennes, tout en érigeant les Droits de l’Homme en pilier incontournable de l’éducation conformément à l’engagement pris par la Belgique lors de la signature de la noble Charte, en 1948.
Gemis Murielle


