Le journaliste Hamid El Mahdaoui, directeur de publication du site Badil, a été condamné par le tribunal de première instance de Rabat à une peine d’un an et demi de prison ferme, assortie d’une amende de 1,5 million de dirhams (environ 150 000 euros). Ce verdict survient dans le cadre d’un procès en diffamation intenté par le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, et suscite une vague de réactions parmi les défenseurs de la liberté d’expression au Maroc.
L’affaire trouve ses racines dans une série d’articles et de vidéos d’El Mahdaoui, qui a souvent dénoncé la gestion des autorités marocaines face aux mouvements de protestation. Déjà en 2017, le journaliste avait écopé d’une peine de trois ans de prison après avoir été accusé d’incitation à manifester et de non-dénonciation d’une menace contre la sécurité de l’État. Cette condamnation reposait sur un appel téléphonique avec un Marocain résidant à l’étranger, qui, en plein échange sur la gestion des manifestations, avait fait allusion à l’idée de « faire entrer un char au Maroc ». Bien que cette affirmation ait été perçue par certains comme une simple exagération dans un contexte de colère, elle a servi de fondement à une lourde condamnation judiciaire pour El Mahdaoui.
Dans l’affaire actuelle, l’avocat du ministre de la Justice a réclamé une compensation financière de 10 millions de dirhams et la peine d’emprisonnement maximale contre El Mahdaoui. En outre, il a demandé que les revenus générés par la chaîne YouTube du journaliste soient audités, avec la conversion de ces bénéfices en dirhams et leur redistribution à des associations caritatives pour les épisodes liés à Ouahbi.
La liberté de la presse fragilisée
Pour de nombreux observateurs, cette nouvelle condamnation témoigne de la précarité de la liberté d’expression au Maroc. Les pressions exercées sur les journalistes qui abordent des sujets sensibles, ainsi que les sanctions judiciaires à leur encontre, créent un climat difficile pour ceux qui cherchent à informer ou à critiquer certaines politiques publiques. Au lieu d’assurer un environnement propice à la libre circulation de l’information, la législation actuelle semble davantage protéger les représentants officiels que les journalistes. Cette tendance incite nombre d’entre eux à la prudence, voire à l’autocensure, pour éviter des poursuites potentielles.
Une justice perçue comme un outil de dissuasion
L’Instance marocaine de soutien aux détenus politiques a qualifié ce procès d’« acte d’intimidation » envers le journaliste et son site d’information. De leur point de vue, cette condamnation s’inscrit dans une série de mesures visant à étouffer la liberté d’expression. Les précédents judiciaires, comme la condamnation d’El Mahdaoui pour sa conversation avec un expatrié exprimant son mécontentement, illustrent ce qu’ils perçoivent comme une volonté d’encadrer étroitement les débats publics.
La condamnation de Hamid El Mahdaoui relance le débat autour des droits des journalistes au Maroc et des garanties légales manquantes pour ceux qui abordent des sujets sensibles. Nombreux sont ceux qui se demandent aujourd’hui si la liberté de la presse peut être effectivement assurée dans le pays.