Bien qu’une solution ait finalement été trouvée pour cette personne après 15 ans de procédure, Myria et l’Institut fédéral des droits humains (IFDH) déplorent que ce règlement amiable individuel ne règle en rien un problème structurel : l’absence de recours effectif pour contester un refus de régularisation pour raisons médicales. Il s’agit en effet de la quatrième affaire de ce genre portée devant la Cour européenne des droits de l’homme qui se conclut par un règlement à l’amiable, sans un arrêt sur le fond qui aurait pu imposer une solution structurelle.
Myria et l’Institut fédéral des droits humains (IFDH) demandent dès lors au gouvernement fédéral de modifier la loi pour introduire un recours effectif dans la procédure de régularisation pour raisons médicales.
Pas de recours effectif en cas de contestation
Devoir faire un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme est une des conséquences de l’absence de recours effectif en Belgique. Le problème est structurel et connu de longue date : les personnes étrangères gravement malades ne bénéficient pas d’un recours effectif pour contester un refus de l’Office des étrangers d’une demande de séjour médical. Le Conseil du contentieux des étrangers ne peut pas examiner le fond de la décision, il doit seulement vérifier si l’Office des étrangers n’a pas commis une erreur en droit, telle que le manque de motivation de la décision. Le Médiateur fédéral avait déjà pointé le problème dans un rapport d’enquête en 2016. Un recours effectif permettrait au Conseil du contentieux d’examiner si la décision de refus de séjour répond aux critères légaux, sur base de la situation médicale actuelle.
Certaines personnes sont dès lors confrontées à un “ping-pong procédural” pendant de nombreuses années : le Conseil du contentieux des étrangers annule le refus de l’Office des étrangers, qui prend ensuite une nouvelle décision de refus, qui peut être à nouveau annulée par le Conseil et ainsi de suite. Ces personnes malades se retrouvent face à une longue procédure, ce qui peut fragiliser davantage leur état de santé déjà précaire.
Une procédure longue de 15 ans
La situation de la personne qui a saisi la Cour européenne des droits de l’homme illustre parfaitement le problème. En 2009, elle demande une régularisation de séjour pour raisons médicales en Belgique, l’Office des étrangers la refuse et le Conseil du contentieux des étrangers annule ensuite le refus, entraînant un carrousel de décisions de refus successivement annulées. Le 11 avril 2024, elle a obtenu un titre de séjour, après 15 années de procédure.
Violation du droit au recours
La Cour constitutionnelle et la Cour de justice de l’Union européenne ont, dans le passé, pointé une violation du droit au recours effectif des personnes étrangères gravement malades en Belgique, inscrit à l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.
En l’absence de recours effectif, de nombreuses personnes qui souhaitent contester leur refus de séjour médical se trouvent jusqu’à présent sans solution dans un délai raisonnable. Pour Myria et l’Institut fédéral des droits humains, cette situation pose de sérieuses questions d’égalité des citoyens devant la loi et de respect de l’État de droit. La Belgique finit par accorder, devant la Cour européenne, un titre séjour qui a été systématiquement refusé pendant plusieurs années devant les tribunaux belges. Or, devoir faire un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme ne devrait pas constituer la seule manière d’obtenir le respect de ses droits.
Myria et l’Institut fédéral des droits humains demandent dès lors au gouvernement fédéral d’intégrer, dans la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers ou au futur Code de la migration, un véritable recours effectif aux personnes étrangères gravement malades qui contestent un refus (au fond) de séjour pour raisons médicales. À défaut, la Belgique s’expose à de nouveaux recours au niveau européen qui pourraient aboutir à des condamnations internationales dans le futur.