Madame la Présidente, Excellences,
Le Comité international de la Croix-Rouge se félicite de l’important débat d’aujourd’hui sur l’impact du changement climatique et de l’insécurité alimentaire sur le maintien de la paix et de la sécurité.
Le changement climatique touche tout le monde, mais pas de la même manière.
Comme nous l’ont dit les intervenants, le changement climatique aggrave les vulnérabilités, approfondit les inégalités et peut exacerber les facteurs susceptibles de contribuer aux tensions.
Dans de nombreux endroits où le CICR travaille, les extrêmes climatiques aggravent l’impact des conflits armés sur la production agricole et aggravent l’insécurité alimentaire.
Au-delà de l’impact direct des aléas climatiques sur les activités agricoles, les extrêmes climatiques peuvent également intensifier la concurrence pour des ressources plus rares. Cela se produit dans un contexte de capacités d’adaptation très limitées, alors que les personnes, les systèmes et les institutions luttent pour survivre aux ravages de la guerre.
Le changement climatique, l’insécurité alimentaire et les conflits se renforcent donc mutuellement. Pour l’instant, l’action climatique dans les situations de conflit est particulièrement faible, en raison des défis liés à la réalisation d’une adaptation climatique globale dans des environnements instables.
Cette situation doit changer de toute urgence si nous voulons collectivement respecter notre engagement de ne laisser personne de côté.
Notre appel aujourd’hui est clair : un meilleur respect du droit international humanitaire dans les conflits armés réduira le coût de la guerre. Cela aidera les populations à faire face aux calamités de la guerre, tout en épargnant l’environnement naturel dans les conflits dramatiquement destructeurs d’aujourd’hui.
Plus précisément, nous devons constater un changement urgent dans la manière dont les guerres sont menées, afin que :
Premièrement : les dommages infligés à l’environnement sont réduits.
Les gens dépendent de l’environnement et des conditions météorologiques prévisibles pour se nourrir et s’approvisionner en eau. Les agriculteurs, les éleveurs et les communautés de pêcheurs en dépendent pour leur subsistance.
Lorsque l’environnement est endommagé par la guerre et que l’insécurité alimentaire et économique s’intensifie, la santé physique et mentale se détériore également. Le DIH contient une série d’obligations qui fixent des limites juridiques aux dommages que les parties belligérantes peuvent infliger à l’environnement.
Assurer le respect de ces règles du DIH peut limiter la dégradation de l’environnement et ainsi réduire les conséquences néfastes qu’elle peut engendrer, notamment l’insécurité alimentaire. Face à une triple crise planétaire, cela est particulièrement critique.
Deuxièmement : l’approvisionnement alimentaire et l’accès aux ressources essentielles sont garantis tout au long du conflit.
Même si les parties ont la responsabilité première de veiller à ce que les besoins fondamentaux des civils soient satisfaits, le DIH exige qu’elles permettent et facilitent le passage rapide et sans entrave de l’aide humanitaire. Le DIH interdit d’attaquer ou de détruire des biens civils tels que les marchés, les transports civils, les infrastructures financières et les terres.
Il accorde une protection spécifique renforcée aux biens indispensables à la survie des civils, notamment les cultures, le bétail et les installations d’eau potable. Le DIH interdit en outre strictement d’affamer les civils comme méthode de guerre. Ce ne sont là que quelques exemples du large éventail de règles du DIH pertinentes pour la sécurité alimentaire dans les situations de conflit armé.
Troisièmement : tout doit être fait pour éviter que les situations ne dégénèrent en crises alimentaires extrêmes.
À la mi-2023, plus de 110 millions de personnes étaient toujours déplacées, soit plus que jamais depuis la Seconde Guerre mondiale ; pour la plupart, l’accès aux produits de base reste un combat quotidien, et nombre d’entre eux ont du mal à subvenir aux besoins de toute leur famille, car leur déplacement forcé offre à peine la sécurité, sans parler de la sécurité alimentaire. Les acheminements alimentaires sont trop souvent ciblés ou utilisés à des fins de compromis militaires, obligeant les civils à se déplacer vers des situations insoutenables et désespérées.
Même après le silence des armes, les régions touchées peinent à se remettre de l’héritage dévastateur des guerres : dans de nombreux endroits, la reconstruction des moyens de subsistance est entravée par des munitions non explosées, des économies paralysées et des difficultés climatiques répétées.
Madame la Présidente,
Partout dans les pays où nous travaillons, la détermination à trouver des moyens de faire face au changement climatique et à ses conséquences aggravantes ne manque pas. Mais sans un soutien décisif de la communauté internationale et un respect strict du DIH, la situation ne fera qu’empirer et les vulnérabilités et les crises existantes se multiplieront.
Nous devons veiller à ce que ce ne soit pas le cas et à ce que les personnes les plus exposées restent notre priorité urgente.
Merci.