C’est Charles Michel, l’encore actuel Président du conseil européen, qui s’était engagé à tout faire pour parvenir à un accord de paix définitif entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Plus de trois ans ont passé depuis la déclaration tripartite sous égide russe qui mit fin à la seconde guerre du Caucase. La reprise par Bakou du Karabakh et la chute du régime séparatiste arménien ont compliqué la poursuite du dialogue, mais la volonté profonde des dirigeants des deux pays, est d’aboutir à un succès diplomatique malgré les tensions ponctuelles, la situation des Arméniens retournés en Arménie, et la reconstruction d’une région dévastée par trente ans d’occupation des forces pro-Erevan.
On parle de la signature d’un accord de paix bilatéral prochainement. Il faut bien admettre que dans le contexte régional, plus vite les tensions s’apaiseront, plus vite l’intégration régionale bénéficiera à toutes les parties pour redynamiser l’économie de tout le Caucase-Sud. Car la région est stratégique pour les Européens, mais aussi pour les Chinois et leur route de la Soie. Les sanctions internationales contre Moscou et Téhéran ont renforcé l’attractivité de la région sur le plan international.
Les Américains ont timidement essayé de réconcilier les parties, pendant que la Russie chapeautait le cessez-le-feu du 10 novembre 2020. C’était un premier pas vers la paix des armes et la reprise du dialogue entre deux pays que tout oppose depuis que l’Arménie avait envahi 20% du territoire azerbaïdjanais à son indépendance en 1990. En 2022, la réunion trilatérale qui avait eu lieu en novembre entre le Ministre des Affaires étrangère azerbaïdjanais, Jeyhun Bayramov et arménien, Ararat Mirzoian, avec le Secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken, était un essai timide d’une longue série et la preuve que Washington qui a longtemps délaissé la région cherchait à revenir dans la course. Longtemps, l’Europe a joué une carte importante après avoir convoqué plusieurs rounds de négociations à Bruxelles, entre le président azéri Ilham Aliyev et le premier Ministre Nikol Pachinian. Mais les négociations facilitées par l’Occident à Bruxelles et à Washington ont été suspendues depuis l’été dernier. Ce qui reste est un processus bilatéral, dirigé par les conseillers à la sécurité nationale arméniens et azerbaïdjanais, travaillant sur le texte d’un accord de paix.
Depuis presque quatre ans, on a assisté ainsi à une véritable guerre des médiations autour du Caucase-sud et la nécessité de parvenir le plus vite possible à régler tous les dossiers encombrants, et construire une paix qui ne crée pas de frustrés ou d’humiliés, dans une dynamique de coopération qui soit politique mais aussi économique. Le Karabakh désenclavé, avec la construction de nouvelles routes et lignes ferroviaires, la création de villes connectées, le développement des énergies renouvelables, l’accueil croissant d’investisseurs étrangers, le développement de l’agriculture, permettra, et c’est cela qu’il faut soutenir, un développement économique inédit dans la région. Une cinquantaine de projets de taille est déjà en cours auxquels devraient au moins contribuer prochainement entre autres l’Europe.
Où en est-on aujourd’hui d’un accord de paix? Plusieurs problèmes persistent : le tracé final de la frontière, la définition du type de garanties internationales et de mécanisme de règlement des différends entre les deux pays. Enfin, le plus gros blocage concerne toujours le corridor de Zangezur, stratégique pour l’ensemble des acteurs de la région. On parle bien de la réouverture d’un couloir ou d’une route de transit longtemps fermé à travers 43 kilomètres de territoire arménien reliant la partie principale de l’Azerbaïdjan à son enclave du Nakhitchevan, limitrophe de la Turquie. Depuis plus de trois ans, la priorité pour Bakou est la réouverture de Zangezur, qui permettrait de joindre l’Azerbaïdjan à sa province coupée du Nakhitchevan et d’accélérer le grand projet TRACECA, soutenu depuis des années par l’UE, et qui boosterait la circulation des personnes et surtout des marchandises entre l’Europe et l’Asie. Selon l’article 9 de la déclaration tripartite de 2020, l’Arménie devait ouvrir une voie mais rejette toujours l’idée de corridor qui impliquerait la notion d’extra-territorialité. Pourtant, l’ouverture des voies au plus vitre favoriserait l’ensemble de la région, Arménie comprise qui est exsangue économiquement depuis des années. Elle profiterait bien sûr aussi de la manne, dans un contexte où, Russie et Iran étant bannis par l’Occident, la seule voie de circulation possible désormais des marchandises passe par Zangezur. En attendant, des risques de tensions aux alentours existent toujours, et menacent chaque jour, la signature d’un accord final, qui se fait trop tarder pour le bien des deux pays.