mercredi 5 janvier 2022 – 22:30. Mise à jour le 06/01/2022 à 06h03
Elle a été pendant longtemps, Dounia Filali, une « youtubeuse » à succès sans statut politique, générant une quantité de clics industriels par des contenus approximatifs et souvent diffamatoires. Bientôt elle aura un statut, en bonne et due forme, de réfugiée politique numérique en France en qualité d’opposante au régime marocain.
Un seul problème, comment Dounia et son mari Adnane peuvent réclamer ce statut alors qu’il vilipende souvent la France sur la place qu’y occupent les juifs.
Cet antisémitisme explicite est exprimé, notamment dans une vidéo d’Adnane de 2019 intitulée « la France est-elle islamophobe?. Citation : « Alors que c’est juste faire un état de fait, de dire qu’il y a beaucoup de juifs dans les médias et que c’est peut-être à cause de ça, par rapport à certains sionistes qui sont dans les médias, qu’on attaque beaucoup l’Islam. » Passons !
Que de chemin parcouru par Dounia et Adnane Filali depuis leur installation à Honk-Kong en 2017, puis à Shenezen en Chine, comme jeunes entrepreneurs, pour finir réfugiés en France. En Chine, ils n’ont ni fait fortune, ni développé une entreprise digne de ce nom, ils ont continué à vivoter en se focalisant — maladivement et contre toute rationalité — sur les affaires locales de leur pays d’origine en formant le projet chimérique, tellement le sujet est complexe, d’y éradiquer la corruption par le truchement d’Internet.
La naïveté de ce projet est patente. L’ivresse des clics laisse croire à une forme d’immunité politique alors que le sujet peut s’avérer parfois très risqué. Et pourquoi aller si loin pour un domaine de militantisme qui fait le pain quotidien de dizaines d’associations marocaines depuis des années en plein jour ?
Dounia Filali, née Moustaslim, a un patronyme qui est très connu et respecté au Maroc. Il laisse croire qu’une fille d’une grande famille a pris conscience des problèmes politiques qui minent le pays, notamment la corruption, et elle est passée courageusement à l’action. Il faut reconnaitre que ce «branding» a marché au début. Un nom qui prédestinait à une certaine notoriété.
Mais sur le fond la facilité d’accès qu’offre YouTube – y compris la rémunération qu’apporte dans une discrétion douteuse l’audience -, la réussite du décor, passablement professionnel, le succès superficiel de ses interventions et la faiblesse de sa formation politique, vont faire, assez rapidement, que Dounia Filali va glisser progressivement vers un discours radical qui laisse peu de marge de manœuvres politiques pour pouvoir enregistrer des résultats ou acter des réussites.
Rien dans le bilan du règne du Roi Mohammed VI depuis 22 ans ne trouve grâce à ses yeux. Et même si cela avait été le cas, elle était convaincue que cela génèrerait peu de clics nécessaires à son projet radical.
La liberté d’expression dont Dounia Filali elle-même jouit sans réserve. La liberté associative qui forme une vraie armature sociale dans le pays. Une liberté politique et syndicale qui est exploitée même par ceux qui la défendent aujourd’hui à l’intérieur du pays. Une avant-garde indépendante d’associations de droits de l’homme hyperactives du Nord au Sud du pays qui se range souvent par principe aux côtés de la liberté d’expression de Dounia Filali. On passe sur la politique sociale universelle et exemplaire dans la région que suit le Roi personnellement depuis des années. La Gestion exemplaire de la pandémie. La politique réussie des grands travaux. La stabilité politique, son socle constitutionnel et les alternances gouvernementales qu’elles permettent. La résilience économique grâce à des fondamentaux solides etc.
Tout cela n’intéresse pas Dounia Filali. Ce qui l’intéresse c’est les attaques ad hominem, relayer des rumeurs, de fausses accusations, la génération de fake news, le dénigrement du pays et de ses élites, les faux dossiers sans preuves, et surtout un populisme débridé qui fait d’elle une égérie, une star, de la «fachosphère» marocaine.
Ses cibles favorites ce sont les services sécuritaires de l’Etat, le gouvernement, les milieux d’affaires, le palais royal — une idée totalement fantasmée chez elle — et finalement le Roi lui-même qui fait l’objet d’un traitement qu’aucun Marocain digne de ce nom ne peut accepter ni sur la base de la stature constitutionnelle de chef de l’Etat, ni sur le respect profond que lui vouent les Marocains, ni sur le rôle fédérateur de la monarchie à l’échelle nationale, ni sur sa qualité d’Amir Al Mouminine, Commandeur des croyants.
Là, Dounia Filali ne s’attaque pas à un ministre imprévoyant, à un directeur d’entreprise publique peu regardant, à un gestionnaire public peu efficient. Ce n’est plus une militante radicale anti-corruption exaltée, une dame soucieuse du bon usage des deniers publics ou une Jeanne d’arc de la probité. Dounia Filali feint d’ignorer que la lutte contre la corruption est inscrite dans la constitution de 2011, article 167, et qu’une Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption (INPPLC) existe et qui est dirigé par un monsieur plus que respectable.
Non, Dounia Filali a décidé de cibler le chef de l’Etat et les institutions du pays, l’une après l’autre. Son décor à la CNN, son micro proéminent, son éloignement chinois et sa faconde lui donne l’impression d’être intouchable. Quel pays au monde laissera détruire son image, laissera faire ce massacre «systématique» en restant inerte, sans bouger, ou sans réagir. Soit Dounia Filali croit encore aux bisounours, soit elle est totalement inconscience.
Dans un récent article très laudatif de Libération en France — ce journal dirigé par Dov Alfon un franco-israélien qui ignorait peut-être les pulsions antisémites du couple — sur le couple Filali, Adnane son époux, avance, en parlant du pouvoir marocain, une idée saugrenue : « c’est un honneur de leur faire peur, je crois». C’est une expression très biaisée du rapport de force que peuvent créer les Filali avec un Etat. C’est totalement asymétrique et puéril.
Le problème du système politique marocain de ces dernières années c’est qu’il génère des opposants bas de gamme. Souvent virtuels. Un ancien boxeur, faux champion, recyclé dans l’extorsion de fonds, un ancien agent consulaire devenu par dépit imprécateur, d’anciens journalistes qui se sont noyés dans le quatrième pouvoir jusqu’à perdre leur liberté, des correspondants internationaux véreux, mi espions mi corrompus, de faux investigateurs universitaires très actifs dans la promotion immobilière etc. Ni Mehdi Ben Barka, Ni Fkih Basri, Ni Abderrahmane Youssoufi, ni Abderrahim Bouabid etc. Nous sommes loin du compte. Vraiment.
Aujourd’hui nous avons une jeune « youtubeuse » grisée par son audience de suiveurs qui brûle la chandelle par les deux bouts. Pour quel objectif ? Pour quelle alternative ? Pour quelle perspective ? Pour quel idéal ? Nous n’en savons rien. Ce que nous savons par contre c’est qu’elle doit un jour rendre des comptes à la justice de son pays. Les délits qui lui sont reprochés sont avérés. Elle a le droit absolu à un procès équitable et au respect total de son intégrité physique, contrairement à ce qu’avance le «fan» de Libération qui a écrit le fameux article flatteur.
Maintenant, si Dounia Filali pense que son statut de réfugiée politique numérique vaut mieux pour elle que d’assumer la responsabilité de ses actes, cela reste, au final, son problème. Mais c’est dommage pour une jeune marocaine qui avait tout pour réussir une expatriation heureuse et une vie plus sereine avant que les démons des réseaux sociaux ne viennent la détruire.