C’est quoi, la Belgique gagnante ? Il n’y avait qu’à regarder sur le terrain : l’affirmation d’une volonté commune – « We are Belgium » –, en jouant l’équipe et pas l’individualité, en misant sur la cohérence et pas sur la division, en exploitant plutôt qu’en stérilisant la diversité.
Ah oui, vraiment, c’est bon !
Si bon de voir ces enfants pédaler comme des fous, des petites cornes sur la tête pour honorer leur équipe sous le soleil bruxellois. Si bon de voir ces familles, en grappes, marcher vers la Grand-Place, le sourire aux lèvres et la grand-mère au bras. Si bon d’entendre chanter les rues et la Grand-Place dans cet incroyable pays où en guise d’hymne national, on entonne successivement et joyeusement : « We are Belgium », « Waar is da feestje » et « Tous ensemble ». On se dit que de ce melting-potverbal, Damso pourrait faire une nouvelle version de cette Brabançonne désuète qui rendrait justice et corps à la « diversité qui peut faire pays » quand elle est orchestrée, sublimée et revendiquée par une vision et une ambition communes.
Ah oui, vraiment, c’est bon ! Si bon de voir un peuple se laisser aller à la joie, l’insouciance et le plaisir, se donner à l’instant présent et se rendre compte qu’être généreux, c’est dopant et exaltant.
Ah oui, vraiment, c’est bon ! Si bon de se sentir fiers. On avait si souvent (re)pris l’habitude de vivre en baissant un peu la tête, en s’excusant de ne pas être des héros, des flamboyants, des conquérants, en croyant qu’on n’était pas faits pour décrocher la lune mais que comme on était courageux et honnêtes, ce n’était pas si grave.
Du bonheur, de la légèreté, de la fierté et le sentiment que quand on veut, on peut, oui, décrocher la lune : c’est cela que ces diables de Diables (rouges) viennent de nous injecter. Un sentiment d’union nationale ? Oui, peut-être pour certains, dans l’instant, mais surtout la conviction que c’est en arrêtant de regarder son nombril, de s’invectiver mais en jouant le match, qu’on remporte les combats.
C’est quoi, la Belgique gagnante ? Il n’y avait qu’à regarder sur le terrain : l’affirmation d’une volonté commune – « We are Belgium » –, en jouant l’équipe et pas l’individualité, en misant sur la cohérence et pas sur la division, en exploitant plutôt qu’en stérilisant la diversité.
Mais c’est aussi, et surtout, la manière. Les Diables nous ont rapporté ce dimanche la plus belle des victoires. Qui n’est pas une coupe ou un titre, mais l’image d’un pays paré de cette jeunesse, ce talent, cette créativité, cette modestie, cette solidarité, cette générosité, cette beauté et ce panache. Si nous pensons désormais que tout ça c’est nous, c’est grâce à eux.
Cela ne changera pas la face du monde, mais cela peut doper notre quotidien. Quand nous douterons, quand la grisaille sera de retour, il faudra nous repasser les images de ces facétieux gamins (et de leur entraîneur), de leurs chevauchées fabuleuses – tudieu, que de beauté ! –, de leur talent à rendre le ballon heureux, mais aussi de leur incroyable simplicité.
Hier à la Grand-Place, ils ont ri, chanté, blagué avec Eden Hazard, en capitaine-DJ de cette Belgique joyeuse. Ils ont dansé leur triomphe comme leurs matchs. Ils nous ont dit merci aussi. Et ça, c’était juste grand.